Dommage corporel – La « dévalorisation sociale » indemnisable au titre de l’incidence professionnelle?

« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si n’était pas caractérisée l’existence d’un préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail, indemnisable au titre de l’incidence professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. » Cass. 2ème civ. 6 mai 2021, n°19-23.173

« Le travail c’est la santé » dit-on…

Suite à un accident, les conséquences sur votre profession peuvent être multiples :

  • Perte de revenus
  • Fatigabilité nouvelle liées à vos tâches au travail
  • Dévalorisation de votre poste
  • Multiples conséquences morales suite à l’accident

En matière de réparation des préjudices corporels d’un accidenté et cela au-delà de la perte de gains professionnels futurs que peut déjà subir la victime, même en l’absence de perte immédiate de revenu, celle-ci peut subir une dévalorisation sur le marché du travail.

Ainsi, la victime peut faire valoir le potentiel préjudice de son accident sur sa carrière professionnelle : c’est ce que l’on appelle l’incidence professionnelle.

Dans les faits, la dévalorisation traditionnellement entendue renvoie par exemple à l’augmentation de la fatigabilité au travail, la fragilisation de la permanence de l’emploi ou encore la difficile obtention d’un nouvel emploi.

En bref et vous l’aurez compris, ce poste de préjudice s’entend essentiellement par l’évaluation de la dévalorisation sur le marché du travail, la pénibilité de celui-ci ou encore par le préjudice de carrière.

Cette dévalorisation n’est jamais aisée à appréhender, notamment en ce qui concerne l’impact patrimonial sur la future carrière de la victime.

Ainsi, alors que le raisonnement des juges sur l’indemnisation de l’incidence professionnelle s’est toujours porté essentiellement sur une indemnisation patrimoniale, (perte de revenus) elle semble désormais tendre vers la justification de la perte de chance de se réaliser au travail.

Il est alors question de la « dévalorisation sociale » de la victime.

Prenons un exemple récent, M. X est victime d’un accident alors qu’il était passager d’un train ayant déraillé à la suite d’une collision. (Cass. 2ème civ. 6 mai 2021, n°19-23.173)

Au jour de l’accident, M.X avait 42 ans. Il cumulait une ancienneté de 24 années dans son emploi. Cet accident l’a placé dans l’impossibilité absolue de reprendre une quelconque activité professionnelle.

La Cour relève que M.X ne justifiait pas, au titre d’un préjudice de carrière, de la perte d’une chance de progression professionnelle. En revanche, la Cour pousse son raisonnement au-delà des frontières de l’entreprise en reconnaissant l’existence d’un préjudice dit « d’incidence professionnelle ».

Ainsi, la Cour de cassation, le 6 mai 2021, adopte une toute nouvelle position mêlant l’indemnisation d’un préjudice patrimonial et extrapatrimonial.

Elle estime en effet qu’il est nécessaire de caractériser l’existence d’un préjudice résultant de la « dévalorisation sociale » ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail, indemnisable au titre de l’incidence professionnelle. (Cass. 2ème civ. 6 mai 2021, n°19-23.173).

En conclusion, la consécration de l’incidence professionnelle comme chef de préjudice ouvre la voie à l’indemnisation d’une conséquence jusqu’à lors délaissée par les tribunaux, alors même qu’il est indéniable que la réalisation sociale induite par le travail est un élément essentiel de l’équilibre du salarié.

Le cabinet se tient à votre disposition pour tout renseignement complémentaire : https://lhoiry-velasco-avocats.com/

Article co-écrit avec Jeanne HOURDEQUIN.

Scroll to top