Séparation des concubins : Attention à votre patrimoine

Crédits : Berliner Verlag / Steinach / picture alliance / ZB- Maxppp

Le cas n’est pas rare : deux concubins partagent la vie commune, ont parfois des enfants, l’un est propriétaire d’un terrain ou en hérite.

Le couple décide donc de construire une maison sur ce terrain : mais qu’arrive-t-il s’ils se séparent ?

Il faut ici songer à la « philosophie » du code civil, qui par bien des aspects reflète les codes sociaux.

Le code civil « privilégie » en quelque sorte les couples mariés : en cas de séparation, la loi règle les types de divorce et les modalités de la liquidation du régime matrimonial, c’est-à-dire, pour simplifier, les comptes entre les époux.

Malheur aux concubins, si l’on peut dire, qui sont hors ce cadre légal : le choix de ne pas se marier a pour conséquence qu’en cas de séparation, les concubins sont des tiers l’un envers l’autre du point de vue patrimonial (Cass.civ.1, 15 juin 2017, n° 16-14039).

Ainsi, s’ils n’ont prévu lors de la construction sur le terrain de l’un ou l’autre d’établir une convention, sorte de contrat où sont répertoriées les dépenses, le financement, et les conséquences en cas séparation, la situation risque d’être très compliquée.

En effet, le propriétaire du terrain est automatiquement propriétaire de la maison qui a été construite, c’est le principe de la propriété par accession.

Propriétaire, juridiquement, ne signifie pas non plus que le concubin non-propriétaire, qui a financé (partiellement ou totalement) la construction, n’ait pas de droits, mais la procédure est ardue.

Dans un premier temps, lors de la séparation, que ce soit à l’amiable ou de façon forcée, le non-propriétaire doit quitter les lieux : il est un occupant sans droit ni titre.

Ensuite s’il veut être indemnisé des dépenses qu’il a pu faire pour la construction, il doit invoquer l’article 555 du code civil :

«  Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever.

Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l’une ou l’autre des sommes visées à l’alinéa précédent. »

Première difficulté, c’est l’ex-concubin propriétaire qui a le choix entre deux modes d’indemnisation, et souvent il choisira celle du coût des matériaux et de la main-d’œuvre.

Dans ce cas, seconde difficulté, il faudra que l’ex-concubin « évincé » fournisse toutes les preuves de ces dépenses, factures, preuves d’achat, crédit, etc, et tous les justificatifs ne sont pas toujours conservés.

Il faudra aussi qu’il soit « possesseur des travaux », c’est-à-dire que les travaux d’amélioration sur une construction existante n’entrent pas dans le champs d’application de l’article 555 du code civil.

Par contre il n’est pas nécessaire qu’il ait financé entièrement ou exclusivement les travaux de construction, ce financement peut avoir été partagé (Cass.civ.3, 16 mars 2017, n°15-12384).

Enfin si cet ex-concubin a passé les obstacles, sil a justifié, preuves à l’appui, des dépenses engagées pour les travaux (pour la main-d’œuvre, l’évaluation forfaitaire est en général rejetée par les tribunaux) d’autres objections pourront lui être faites.

L’intérêt personnel par exemple : le fait d’avoir habité et joui de la maison pendant plusieurs années constitue un tel intérêt personnel (Cass.civ.1, 10 septembre 2015, n°14-14391).

Ou encore l’intention libérale : contrepartie de la vie de couple, surtout en présence d’enfants de ce couple, cette volonté de loger la famille peut être interprétée comme une intention libérale, donc désintéresséee (Cass.civ.3, 3 juillet 2012, n°11-15224).

On le voit, construire sur le terrain de son concubin peut s’avérer risqué en cas de séparation qui ne serait pas amiable.

Quel conseil donner ? Sans doute d’établir une convention écrite récapitulant les dépenses et prévoyant les conséquences en cas de séparation, mais peu de couples, sans doute mal informés, le font.

Reste la solution radicale : se marier avant de construire, le code civil vous en rendra compte !

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