Chèque volés, escroquerie : Quelle responsabilité pour la banque ?

https://www.lafinancepourtous.com/2020/09/24/le-cheque-est-le-moyen-de-paiement-scriptural-le-plus-fraude-en-france/

Un chéquier volé ou perdu, des chèques débités ensuite sur le compte, personne n’est à l’abri d’une telle mésaventure qui peut tourner à la catastrophe lorsque l’utilisation du chéquier s’accompagne d’une manœuvre d’escroquerie au virement.

Prenons l’exemple de Mr X, qui perd ou se fait voler son chéquier.

Il doit bien sûr aussitôt porter plainte et informer sa banque.

Mais si pour une raison ou une autre il tarde un peu, les voleurs pourront déposer sur son compte (ils ont nécessairement les coordonnées du compte sur le chéquier), depuis par exemple une borne de dépôt de chèques, des chèques volés à une autre personne.

Le compte de Mr X est ainsi crédité du montant du chèque déposé.

Puis les escrocs effectuent des virements (toujours à partir d’une borne bancaire) vers des comptes éphémères ouverts à leur profit.

Le temps que la banque rejette les chèques déposés par les escrocs (volés à un tiers) pour défaut de provision (ou opposition du tiers), il peut se passer plusieurs jours, voire plus d’une semaine.

Entretemps, les escrocs ont fait les virements à leur profit et Mr X se retrouve donc à découvert.

Et la banque lui réclame le découvert bien sûr !

Comment alors se défendre, Mr X étant manifestement victime de ces manœuvres ?

1/ D’abord vérifiez votre contrat d’ouverture de compte avec la banque : si vous êtes limité par exemple en montant de virements ou en nombre de virements par mois ou par semaine, et si la banque a laissé passer des virements au-delà de ces limites, la banque est fautive et doit vous rembourser.

2/ Invoquez le code monétaire et financier en indiquant que les opérations (dépôts de chèques volés à un tiers et virements qui ont suivi) n’étaient pas autorisées par vous.

Ainsi :

Il résulte de l’article L 133-19 (II) du Code Monétaire et Financier que :

«  (…)

  1. – La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.

Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument (…) ».

Et aussi :

Il résulte de l’article L 133-18 du Code Monétaire et Financier que :

 « En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.

Lorsque l’opération de paiement non autorisée est initiée par l’intermédiaire d’un prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte rembourse immédiatement, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, au payeur le montant de l’opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu. La date de valeur à laquelle le compte de paiement du payeur est crédité n’est pas postérieure à la date à laquelle il avait été débité.

Si le prestataire de services de paiement qui a fourni le service d’initiation de paiement est responsable de l’opération de paiement non autorisée, il indemnise immédiatement le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte, à sa demande, pour les pertes subies ou les sommes payées en raison du remboursement du payeur, y compris le montant de l’opération de paiement non autorisée.

Le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent décider contractuellement d’une indemnité complémentaire ».

C’est à la banque de démontrer que vous avez donné l’ordre de paiement, ce qui forcément n’est pas le cas.

3/ Contestez l’argument de la banque sur votre négligence, car il vous sera peut-être reproché d’avoir laissé votre chéquier (ou carte bancaire) sans surveillance.

Or les tribunaux ne sont pas si restrictifs.

Ainsi :

Cour de Cassation. Com. 17 mai 2017, N°15-28209 ; Cass. Com. 2 octobre 2007, N°05-19899).

« Qu’en statuant ainsi, alors que la négligence grave retenue contre le titulaire de la carte bancaire pour n’avoir pas préservé la sécurité de celle-ci et de son code confidentiel ne le privait pas du droit d’invoquer le manquement du banquier à ses propres obligations en application des règles du droit commun de la responsabilité contractuelle, la cour d’appel a violé les textes susvisés) ».

Il appartient en effet à la banque de démontrer soit la fraude, soit la négligence grave de son client (Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, 1ère Ch. 8 octobre 2015, N°14/16939 ; Cass. Com. 18 janvier 2017, N°15-18102).

« Attendu que la circonstance que Madame X ait laisser son sac à main dans son véhicule alors que s’y trouvait également une connaissance qu’elle soupçonnera ultérieurement d’être à l’origine des retraits frauduleux, sans aucune certitude, ne constitue pas une négligence fautive imputable au titulaire de la carte de nature à établir qu’elle n’a pas satisfait à ses obligations envers l’organisme bancaire ».

De même, Cass .Com.18 janvier 2017, n°15-18102 :

« Mais attendu que si, aux termes des articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l’utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d’informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, c’est à ce prestataire qu’il incombe, par application des articles L. 133-19, IV, et L. 133-23 du même code, de rapporter la preuve que l’utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations ; que cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés ; »

Demandez copies recto verso des chèques volés qui ont été déposés par les escrocs sur votre compte.

En effet, un chèque déposé doit être endossé, c’est-à-dire avec votre signature au dos du chèque.

Les escrocs ne connaissant pas en principe votre signature, la signature qu’ils ont faite au dos des chèques sera différente de la vôtre.

Or la banque a un devoir de vérification.

Ainsi :

Il résulte de l’article L131-19 du Code Monétaire et Financier que :

« L‘endossement doit être inscrit sur le chèque ou sur une feuille qui y est attachée, dite allonge. Il doit être signé par l’endosseur. La signature de celui-ci est apposée, soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit.

L’endossement peut ne pas désigner le bénéficiaire ou consister simplement dans la signature de l’endosseur nommé endossement en blanc. Dans ce dernier cas, l’endossement, pour être valable, doit être inscrit au dos du chèque ou sur l’allonge. »

La jurisprudence consacre le devoir du banquier de s’assurer que la signature d’endos est celle du bénéficiaire du chèque.

Ainsi, Cour d’Appel d’AGEN 19 novembre 2012, n°12/00390 :

           « Il est constant que le banquier récepteur, chargé de l’encaissement d’un chèque, est tenu de vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur le titre.

En l’espèce, l’examen du chèque du CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL n° 1749483, d’un montant de 56.290 €, remis à la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE pour encaissement sur le compte de la SARL ATE 47, fait apparaître que la signature portée au dos de ce chèque est différente de celle de Monsieur D YAGNOL, gérant de la SARL ATE 47, telle qu’elle figure sur plusieurs bordereaux de remise de chèques produits par la banque et sur le certificat de cession du véhicule.

L’absence de similitude entre la signature figurant au dos du chèque litigieux et celle de Monsieur YAGNOL et le fait que la banque ait cependant porté le montant du chèque au crédit du compte de son client, démontrent que la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE n’a pas vérifié la signature de l’endos.

La banque n’a donc pas rempli son obligation de vérifier la régularité apparente de l’endos et elle ne pouvait pas se permettre de présumer de sa régularité du seul fait de l’exactitude des mentions relatives aux caractéristiques du compte de la Société ATE 47.

L’obligation de vérification de la banque s’imposait d’autant plus que, comme elle l’indique elle-même, le montant du chèque était élevé et qu’il apparaît, au vu des relevés de compte versés aux débats, qu’il dépassait largement les valeurs des autres opérations de la SARL ATE 47.

Il résulte de ces constatations que la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE a commis un manquement à ses obligations contractuelles. »

Ou encore Cour d’Appel de LYON, 15 novembre 2018, n°17/05260 :

« Attendu que la BNP Paribas, en sa qualité de banquier récepteur chargé de l’encaissement du chèque litigieux, était tenue de vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur ce chèque’;

que la simple vérification visuelle de ce titre de paiement lui aurait permis de constater une absence totale de correspondance entre la signature de l’endossement et le spécimen de signature de sa cliente, madame X, seule habilitée à faire fonctionner le compte au crédit duquel le montant du chèque allait être inscrit, la circonstance que les références du compte bancaire à créditer soient bien les siennes demeurant insuffisante à dispenser la banque de cette obligation. »

 En effet la banque doit connaître votre signature, celle en tout cas qui figure sur votre contrat d’ouverture du compte.

En conclusion, victime de ce genre d’escroquerie, tout n’est pas perdu (sauf le chéquier) !

Le cabinet se tient à votre disposition pour tout renseignement complémentaire : https://lhoiry-velasco-avocats.com/

Scroll to top