Le Diagnostic de performance énergétique (DPE) erroné : L’action de l’acquéreur envers le diagnostiqueur

Crédits : CHRISTOF STACHE / AFP- AFP

L’action de l’acquéreur envers le diagnostiqueur ne repose pas sur un fondement contractuel. Le lien contractuel se matérialise par un acte juridique qui est un changement voulu dont l’obligation est l’instrument de ce changement. Entre l’acquéreur et le diagnostiqueur aucun consentement n’a été échangé et donc aucun lien contractuel entraînant des obligations ne les lie.

L’erreur de diagnostic est, du côté de l’acquéreur, un fait juridique.

C’est pourquoi la possibilité pour l’acquéreur, ou pour tout autre tiers qui a subi les conséquences d’une erreur, peut engager la responsabilité du diagnostiqueur sur le fondement délictuel. C’est donc sur le fondement de l’article 1240 du code civil, en prouvant un fait générateur ayant causé un préjudice, que la responsabilité du diagnostiqueur pourra être engagée.

a. Le manquement contractuel, un fait générateur.

Depuis un arrêt d’assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 octobre 2006, le tiers à un contrat peut invoquer tout manquement à un contrat qui lui a causé un dommage[1]. Encore faut-il démontrer un manquement contractuel.

Cette démonstration paraît ne pouvoir se faire que par l’analyse approfondie de la mission du diagnostiqueur, car il est évident que le manquement contractuel ne peut qu’être un manquement à ses obligations contractuelles. On ne pourrait reprocher à un contrôleur de ne pas avoir révélé des défauts qui ne faisaient pas partie de sa mission. Ce qu’a déjà conclu la Cour de cassation dans le domaine du contrôle technique automobile[2]. Il est important de noter que le manquement ne pourra le plus souvent se voir qu’avec l’aide d’un expert qui a les compétences pour analyser la démarche du diagnostiqueur.

Mais un diagnostiqueur, étant un professionnel, sous couvert de son obligation de conseil et d’information ne peut-il pas voir sa responsabilité engagée même si celui-ci a respecté sa mission.

Dans certains cas, il aurait dû en tant que technicien, informer le vendeur d’un quelconque problème. Même si la Haute cour n’a pas eu souvent l’occasion de s’interroger sur cette question, le caractère apparent[3] et grave d’un élément attaché à l’immeuble et permettant d’éclairer les consentements et d’envisager les risques, permet de supposer la responsabilité du diagnostiqueur.

La frontière entre le devoir de conseil et d’information, qui tient le professionnel diagnostiqueur et sa mission qui le lie contractuellement, est floue. Mais, dans ce type de situation il serait sûrement judicieux de regarder chronologiquement :

Etape 1 : La mission prévue dans le contrat

Si la mission prévue contractuellement n’a pas été respectée par le contrôleur, alors le fait générateur est démontré. Si la mission a été remplie, il faut alors une analyse plus approfondie afin d’engager la responsabilité du diagnostiqueur (Etape 2 et 3).

Etape 2 : La spécialité du diagnostiqueur

Imaginons le cas d’un diagnostiqueur spécialiste dans l’ensemble des parasites touchant les constructions, mais dont la seule mission était le diagnostic termite, et qui remarque la présence de capricorne ou de mérule. Alors celui-ci n’est-il pas tenu d’informer le vendeur qui en informera l’acquéreur ?

De même, si sa mission se limite au contrôle de la maison principale et non pas du cabanon au fond du jardin, mais qu’en tant que professionnel il ne peut ignorer que les termites migrent. Par conséquent, la présence des termites dans le cabanon laisserait présager leur migration dans la maison principale.

Ainsi, l’analyse de la gravité des désordres à venir doit se faire.

Etape 3 : La gravité de l’information oubliée

Au regard des exemples susmentionnés la gravité serait avérée et permettrait sûrement d’engager plus facilement la responsabilité du diagnostiqueur[4]. Cependant, en imaginant la situation où dans le cadre d’un diagnostic de performance énergétique, le contrôleur est au courant de la construction d’un immeuble qui priverait de luminosité pendant une longue partie de la journée l’immeuble à vendre. Son diagnostic devrait en tenir compte. Toutefois, la gravité serait-elle assez grande pour engager la responsabilité du diagnostiqueur sur le manquement à son devoir d’information[5] ?

Le fait générateur, première étape dans la démonstration d’une responsabilité délictuelle, pourra donc se faire en cas de non-respect de la mission consentie dans le contrat liant le vendeur au diagnostiqueur, mais aussi en cas d’absence d’information, au regard de la compétence du diagnostiqueur et de l’importance de l’information oubliée.

Surtout, la réparation dépendra du préjudice subi par l’acquéreur.

b. La réparation, entre exposition à un risque et perte de chance.

La question de l’étendue du préjudice réparable est la question centrale dans le cadre d’un contentieux car il est ce que va pouvoir espérer la victime.

Dans la recherche de la responsabilité des diagnostiqueurs immobiliers, la réponse a évolué au gré de l’appréciation de la Cour de cassation.

Dans un premier temps, la Cour de cassation a considéré que l’expert qui se trompait n’était en rien responsable de l’existence du vice[6] et si la victime avait connu la présence du vice, on ignorait si l’acquéreur aurait renoncé à la vente ou négocié un prix moindre. C’est pourquoi, les conseils devaient raisonner en termes de perte d’une chance, sans mettre à la charge du diagnostiqueur la réparation intégrale du dommage.

Un tel raisonnement a d’ailleurs longtemps été celui des première et deuxième chambres civiles de la Cour de cassation dans de nombreux cas de diagnostics erronés :

  • Pour un relevé de surface erroné[7].
  • Pour un diagnostic amiante erroné[8].
  • Pour un diagnostic de performance énergétique erroné[9]

Cependant, la troisième chambre avait une approche différente, celle d’une réparation englobant l’ensemble des travaux à faire pour mettre fin au vice :

  • Lors de la présence de termites[10].
  • Pour un diagnostic amiante[11].
  • Lors de la présence de plomb[12].
  • Pour la présence de capricorne[13].

En 2015 la Cour de cassation est venue donner la voie à suivre. En effet, la réunion d’une chambre mixte le 8 juillet 2015[14] a consacré l’approche de la troisième chambre en précisant que tous les préjudices par les acquéreurs du fait du diagnostic erroné doivent être réparés par le professionnel. Il en résulte une véritable obligation de garantie à la charge du diagnostiqueur.

Cet arrêt consacre la théorie de « l’exposition à un risque », distincte de la perte de chance. Théorie en vertu de laquelle le risque est apprécié comme un préjudice autonome[15].

Ces décisions, dont une datant du 7 avril 2016[16] se fonde sur le visa de l’article L.271-4 du CCH qui « garantit l’acquéreur contre le risque », de sorte que la responsabilité du diagnostiqueur est engagée, si son rapport n’est pas conforme aux normes et que l’acquéreur a conclu, dans l’ignorance du vice. Alors les préjudices subis ont un caractère certain et le diagnostiqueur doit, comme son assureur, la garantie consécutive.

Mais qu’en est-il lorsque le diagnostic ne porte pas sur la protection d’un risque et est seulement un diagnostic de protection comme cela est le cas pour le DPE ?

La théorie de « l’exposition à un risque » est par principe inopérante et elle ne saurait être transposée à la question plus large du préjudice indemnisable en cas de non-respect d’une obligation d’information ou encore de l’erreur sur un diagnostic non protecteur d’un risque[17].

Alors le recours à la perte de chance qui est « la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable »[18] devrait être appliqué même si la définition de M. Fabre-Magnan amène à un certain doute[19].

Il ressort que l’expert est moins protégé que le vendeur (exception faite des diagnostics de direction).

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[1] Cass. ass. plén. 6 oct. 2006, Bull. civ. n° 9, AJDI 2007. 295, obs. N. Damas ; D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister, note G. Viney ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2966, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 123, obs. P. Jourdain.

[2] Com. 13 mars 2012, D. 2012. 876 ; RTD com. 2012. 392, obs. B. Bouloc.

[3] Pour un homme de l’art évidemment car sinon l’acquéreur ne pourra se prévaloir d’un problème qu’un profane diligent normal aurait dû constater.

[4] La gravité pourrait se déduire de l’analyse faite au différent type de diagnostic. Un diagnostic amiante étant un diagnostic de protection la non information aurait nécessairement une coloration de danger et donc de gravité.

[5] Sachant que le diagnostic de performance énergétique est un diagnostic de direction et non de protection (voir article sur la nature du DPE).

[6] Vice qu’il n’avait simplement pas constaté mais qui était présent indépendamment de son diagnostic. En effet, un diagnostiqueur faisant une erreur sur la présence de termites n’était en soit aucunement à l’origine de la présence de ce parasite.

[7] Civ. 2e, 6 juin 2013, n° 12-19.660.

[8] Civ. 1re, 20 mars 2013, n° 12-14.711 et 12-14.712.

[9] Civ. 2e, 25 févr. 2010, n° 08-12.991.

[10] Civ. 3e, 5 oct. 2015, n° 14-18.077 et Civ. 3e, 12 sept. 2012, n° 11-18.122.

[11] Civ. 3e, 21 mai 2014, n° 13-14.891, Dalloz actualité, 4 juin 2014, obs. N. Le Rudulier et Civ. 3e, 28 janv. 2003, n° 01-13.875.

[12] Civ. 3e, 23 mai 2007, n° 06-13.656.

[13] Civ. 3e, 26 sept. 2011, n° 99-21.764 et Civ. 3e, 26 sept. 2001, n° 99-21.764.

[14] Cass., ch. mixte, 8 juill. 2015, n° 13-26.686, Dalloz actualité, 4 sept. 2015, obs. C. Dreveau ; D. 2015. 2155, note V. Mazeaud ; ibid. 2016. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; AJDI 2015. 868, obs. F. Cohet ; RTD civ. 2015. 895, obs. P.-Y. Gautier ; ibid. 2016. 130, obs. P. Jourdain.

[15] La faute du tiers, notamment d’information ou de se renseigner efficacement par lui-même, ou de procéder à un choix pertinent, a exposé la victime à un risque, de sorte que le dommage souffert par celle-ci doit être réparé intégralement.

[16] Civ. 3e, 7 avr. 2016, FS-P+B, n° 15-14.996.

[17] Comme cela est le cas pour le DPE.

[18] Civ. 1re, 21 nov. 2006, n° 05-15.674.

[19] Dans son TOME 2 du droit des obligations : La perte de chance est « Lorsqu’une personne expose fautivement une autre à un risque, ou lui tait fautivement l’existence d’un risque, elle (devrait) lui réparer intégralement le dommage subi (…) en cas de réalisation du risque ».

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